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ADN généalogique interdit en France : Geneanet relance le débat

Geneanet a décidé de s'engager dans le débat qui se tient actuellement autour de la révision de la loi sur la bioéthique. Dans la dernière newsletter envoyée à des dizaines de milliers d'abonnés, le portail français a pris clairement position : "Nous militons pour une modification de la loi en incluant des gardes-fous éthiques pour éviter les abus". Geneanet a appelé à participer aux états généraux de la bioéthique qui se tiennent en ce moment sur le portail lancé par le gouvernement.

Un chiffre permet de bien comprendre la raison de cet engagement : chaque année, près de 100.000 Français se procurent un test ADN à visée généalogique et font analyser leurs gènes... à l'étranger. A cause de l'actuelle loi sur la bioéthique, ils ne peuvent pas le faire en France, puisque cela est interdit. Mais se procurer un kit et envoyer un échantillon de salive dans un pays où cela est autorisé n'a rien de bien compliqué. Au moins cinq opérateurs proposent actuellement ce type de service, dont deux en langue française.

Ancestry, 23andme, FTDNA, IGenea et depuis la semaine dernière, MyHeritage expédient les kits ADN sur le territoire français, sans se cacher. Et pour cause, ces sociétés ne risquent rien : elles ne sont pas immatriculées en France, les tests ont lieu en Angleterre ou aux Etats-Unis et les résultats sont accessibles en ligne sur leurs bases de données qui sont hébergées aux USA. Rien ne tombe sous le coup de la loi française, tout ce qui n'est pas interdit est autorisé...

MyHeritage ne se cache pas d'ailleurs de lancer une grande offensive commerciale sur ces tests ADN dans toute l'Europe sauf en Pologne. MyHeritage DNA, lancé en novembre 2016, compte déjà 1,35 million de personnes dans sa base de données génétique, la troisième plus grande au monde. Contacté, son fondateur Gilad Japhet estime que les kits ADN à vocation généalogique et ethnique sont devenus "l'un des produits de consommation les plus populaires aux États-Unis et dans de nombreux pays du monde".

"Nous répondons à une réelle demande en France, avec une interface de haute qualité en français plus facile à utiliser pour accéder aux résultats ADN et trouver des correspondances avec d'autres personnes et membres des familles qui ont émigré aux États-Unis, au Québec et dans d'autres régions du monde au cours des derniers siècles". Sur le côté légal, le président de MyHeritage assume : "Nous sommes une société israélienne et notre laboratoire d'ADN est situé aux Etats-Unis. S'il y a une réaction négative des autorités françaises, nous nous y conformerons, mais nous sommes optimistes".

En mettant en vente de tels kits ADN en France, n'importe quelle entreprise française s'exposerait à des sanctions très lourdes, puisque les lois, y compris celle sur la bioéthique de 2011 réservent les tests ADN à trois cas précis. Seuls sont autorisés ceux réalisés dans le cadre de la recherche médicale, de la recherche d'une thérapie pour des maladies rares et dans le cadre d'une enquête judiciaire. Sans parler des mentions relatives à l'ethnique ou des prédictions médicales qui sont également prohibées dans notre pays par la CNIL.

Chez les opérateurs français de la généalogie, les réactions sont mitigées. Toussaint Roze, président de Filae, regrette "que la loi ne permette pas de tels types de tests et si la loi venait à changer, Filae réfléchirait à la possibilité d'en proposer". Christophe Becker, directeur général de Geneanet va plus loin : "Avec ce genre de lois, notre pays prend le risque de passer à côté d'avancées scientifiques sur la connaissance des populations que l'on pourrait obtenir en autorisant ce genre de tests à grande échelle".

Pour les généalogistes, la révision de la loi bioéthique constitue donc une opportunité de s'exprimer sur ce sujet, tout en formulant des propositions pour encadrer les pratiques. Car les petites digues franco-françaises ne ralentiront pas le raz-de-marée de l'engouement du grand public pour la généalogie par l'ADN. Comme le disait Jean Cocteau : "Puisque ces mystères me dépassent, feignons d'en être l'organisateur".

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