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Curieuses pratiques de la généalogie par l'ADN au service de la Justice

Quel est le rapport entre Joseph DeAngelo, auteur probable d'une cinquantaine de viols et de 12 meurtres, surnommé "le tueur du Golden State" et les états généraux de la bioéthique dont les débats sont clôturés en France ce soir lundi 30 avril 2018 ? A priori rien, sauf un détail : ce tueur en série a pu être arrêté par la police californienne, près de trente ans après les faits, par l'analyse de son ADN. Et l'enquête a pu aboutir grâce à la consultation d'un site Internet de généalogie génétique, GEDmatch.com où les chercheurs d'ancêtres ont coutume de déposer leur profil génétique. D'après les gros titres des journaux, ce serait "la généalogie qui aurait trahi le tueur".

Comment les enquêteurs américains ont procédé ? Ils ont utilisé de l’ADN prélevé sur les lieux d'un des crimes et ont eu l'idée de le publier sous pseudonyme sur le portail GEDmatch.com, édité depuis la Floride. Comme tout utilisateur, ils ont ensuite pu comparer leurs données avec celles de dizaines de milliers d'autres personnes qui ont fait la même démarche volontaire de déposer leurs profils ADN. En croisant les données génétiques, ils sont parvenus à identifier des profils proches du tueur, sans doute d'innocents généalogistes, mais de sa famille proche.

Les policiers ont ensuite remonté la piste par une enquête classique sur les noms de ces utilisateurs et ils sont arrivés à un cousin de 72 ans qui présentait toutes les caractéristiques du tueur. Il suffisait ensuite de recueillir l'ADN du suspect à son insu, sans doute en fouillant dans ses poubelles, puis de le comparer avec l'ADN de la scène de crime. Cette parfaite concordance a permis son arrestation, et devant les preuves, l'homme est passé aux aveux. Cette arrestation d'un dangereux tueur n'a en soi rien de négatif, mais la méthode utilisée interroge. Car Joseph DeAngelo n'a jamais réalisé lui même de test ADN et à fortiori n'a pu le déposer sur ce site.

La facilité de réutilisation des profils génétiques par la police américaine pose un vrai problème, à l'heure où la France réexamine, parmi d'autres propositions liées à la bioéthique, sa politique par rapport aux tests ADN. Avec la question : faut-il autoriser en France ces tests ADN, lorsqu'ils sont réalisés dans des buts généalogiques ? Et quels garde-fous peuvent être mis en place afin d'éviter les abus et utilisations non souhaitées ? On pense notamment à la Justice ou la police, mais bien évidemment aux utilisations qui pourraient en être faite par des assurances, des banques, des mutuelles, etc.

Comment respecter l'anonymat des détenteurs de données, comment les assurer d'un retrait en un clic de leur profil s'ils changent d'avis ? A ces vraies questions, la France devra apporter des réponses concrètes, si bien sûr le législateur acceptait de lever l'interdiction de vente des kits ADN en France.

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