L’histoire de France, vécue par douze familles

Trois questions à Nicolas Saudray

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Qui êtes-vous ?

J’ai 81 ans et ai effectué trois parcours parallèles. Un premier, au service de l’État, d’abord comme inspecteur général des Finances, puis comme directeur de la Monnaie, tout en étant président du conseil d’administration de la Bibliothèque nationale, avant de devenir conseiller à la Cour de Cassation. Un deuxième, dans le monde des monuments historiques, suite à l’acquisition d’un manoir médiéval, dans le Perche, qui me vaut d’être depuis trente ans au bureau de La Demeure Historique. Enfin, un parcours d’écrivain, auteur de romans, de pièces de théâtre, de réflexions historiques, qui signe aujourd’hui son vingt-et-unième ouvrage.

Natif de Bayeux, j’ai plus du tiers de mes racines en Normandie, tout en ayant des ancêtres en Bretagne, dans les Ardennes (CAHART), à Nîmes, en Haute-Auvergne… et même en Suisse. Les Saudray, autrefois « de La Saudraye » – famille de ma grand-mère paternelle – étaient quant à eux des nobles bretons, déchus au XVIII^e siècle et devenus marins, avant d’aller tenter leur chance au Brésil. C’est à eux que j’ai emprunté mon pseudonyme, pour répondre à une classique obligation de réserve.

Pourquoi ce livre ?

D’abord pour montrer comment le tissu social français s’était constitué. Après des travaux de philosophie de l’Histoire, j’ai voulu regarder de l’autre côté de la lorgnette, pour voir comment les familles s’étaient imbriquées. J’ai choisi douze familles de mon propre arbre généalogique, qui différaient à plusieurs égards. Géographiquement, avec les régions déjà énumérées. Socialement, avec des paysans, des artisans, des officiers, des nobles… Et différentes aussi par leur religion, avec à la fois un pasteur calviniste de choc au XVI^e siècle et un prêtre catholique béatifié. Ensuite, je voulais montrer l’extraordinaire résilience de nos ancêtres, face aux calamités en tout genre : guerres, épidémies, morts prématurées… Enfin, j’ai rendu hommage à la mémoire d’un grand oncle, jeune homme moderne travaillant dans l’exportation, parlant plusieurs langues, possédant une machine à écrire, et tombé à l’âge de 30 ans, lors de la Grande Guerre, en ayant laissé une saisissante lettre-testament, expression de la vieille éducation française, face à l’adversité.

Comment avez-vous travaillé ?

Après avoir réuni le maximum d’informations, j’ai bien sûr travaillé sur les archives (AD, SHD…), avec notamment la volonté de toujours m’en tenir à la vérité historique, que j’ai dû plus d’une fois rétablir, face à une mémoire enjolivée ou qui a occulté. Ainsi pour un colonel du génie, héros de la Bérézina, que sa passion pour le violon amena à rogner sur les dépenses de son régiment, afin de le doter d’une fanfare, ce qui lui avait valu sa mise à la retraite, à la suite d’une inspection… Le travail de rédaction m’a demandé environ trois ans, pour structurer et éclairer ces histoires, notamment par l’ajout de 35 tableaux généalogiques simplifiés. Cela sans jamais romancer, en me contentant tout au plus de formuler des hypothèses.