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Le nom de famille traceur des migrations en Italie

Notre nom de famille dit-il vraiment d'où l'on vient ? Pour étudier les différences entre identité culturelle et identité généalogique, une équipe de chercheurs s'est intéressée à l'origine géographique des noms de famille et à leur distribution. Cette étude sur le "Dis moi d'où tu viens, je te dirais qui tu es..." s'est déroulée en Italie, mais l'équipe de scientifiques qui l'a menée était franco-italienne impliquant notamment l'unité Eco-Anthropologie et ethnobiologie du Muséum national d'Histoire naturelle et du CNRS.

Pour retracer cinq siècles de migrations en Italie, l'idée retenue a donc été d'étudier les patronymes, adoptés comme en France à la fin du Moyen-Âge, ou du début de la Renaissance. Les migrations étant un phénomène constant dans toute population, les descendants d'un ancêtre éloigné dans le temps vivent rarement au même endroit que lui. Plus le temps passe et plus les individus s'éloignent du lieu d'origine de leur famille. Malgré cela, il apparaît que certaines régions italiennes sont largement peuplées par une population proche de celle de la fin du Moyen-Âge.

Pour étudier le phénomène, la méthode généalogique a rapidement été écartée. Il aurait en effet été fastidieux, voire impossible, de recenser le nombre d'individus masculins portant un nom de famille typique de sa région, c'est-à-dire habitant toujours le lieu de vie de son aïeul à l'époque où les patronymes furent établis. Les chercheurs ont préféré une méthode statistique, empruntée à l'intelligence artificielle qui a permis d'analyser de manière automatique la distribution géographique de près de 80 000 noms de famille italiens correspondant à vingt millions d'individus vivant aujourd'hui.

Pour 75% d'entre eux, les chercheurs ont identifié la province où leurs ancêtres masculins habitaient il y a cinq siècles... Et l'analyse a révélé quelques surprises. Certaines régions à forte identité culturelle (Ligurie, Toscane, région autour de Rome) s'avèrent avoir été des couloirs de migration. On aurait pu supposer leur identité très bousculée par ces nouveaux arrivants, il n'en est rien. D'autres régions, elles aussi marquées par une forte identité culturelle, répondent mieux au schéma et sont effectivement largement peuplées par les descendants de la population qui y vivait à la fin du Moyen-Âge (comme la Vénétie).

Autre phénomène, malgré les forts flux d'émigration du sud vers le nord, la population de nombreuses provinces de l'Italie du Sud reste très proche de la composition qui était la sienne à l'époque. Enfin, la population des grandes villes (Turin, Milan, Rome), bien que de nos jours largement composée d'immigrants, montre un solide noyau ancien. Les descendants de ceux qui y vivaient dans le passé avaient peu de raisons de migrer ailleurs, au regard des nombreuses opportunités que ces villes ont continué à offrir dans le temps.

Cette étude vient d'être publiée dans la revue américaine Human Biology et bouscule les idées-reçues sur l'identité culturelle et identité généalogique. Et en France, en combien de temps les nouveaux habitants de Marseille se mettent-ils à parler avec l'accent du Sud ?

A lire :

La présentation de l'étude sur le site du CNRS

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