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Les morts oubliés de Louvigné-du-Désert

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Le monument aux morts de Louvigné-du-Désert va allonger sa liste de quelques noms le 11 novembre 2025, en présence des familles des Poilus dont le nom a été oublié.
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Geneanet

Mettre son arbre en ligne est définitivement un acte altruiste. Parce qu’elle a publié le sien sur Geneanet, Colette a été contactée cet été, via la messagerie interne du portail, par Isabelle Cardin, chargée de mission de l’association mémorielle du Souvenir français, au sujet d’un frère de sa grand-mère paternelle. Car, d’après les recherches engagées au nom de l’association, le nom de ce grand-oncle, Victor Morel, mort pour la France en 1916, n’a pas été gravé sur le monument aux morts de la petite ville où il vivait et d’où il était originaire : Louvigné-du-Désert, en Ille-et-Vilaine.

Fort de ce constat et pour réparer cet oubli, le Souvenir français, l’association des anciens combattants et la mairie vont faire ajouter le nom de Victor Morel sur le monument. Et afin de rendre ce moment plus solennel, les proches parents de ce Poilu, décédé à 27 ans sans descendance, seront présents à la prochaine cérémonie annuelle du 11 novembre.

Une belle récompense pour la généalogiste qui n’a commencé ses recherches qu’à l’été 2023. « Pendant mes vacances, armée du livret de famille de mes parents, et sans connaissance particulière en généalogie, je me suis rendue dans les mairies de leur lieu de naissance afin d’obtenir une copie des actes. Profitant d’un court moment de calme, la secrétaire de mairie où ma mère est née, m’a gentiment proposé d’avancer un peu plus dans mes recherches. C’est ainsi qu’elle m’a initiée au b.a.ba de la généalogie en m’ouvrant les registres pour découvrir les actes d’état civil de mes aïeux. À mon retour de vacances, j’ai découvert Geneanet qui m’a semblé plutôt convivial et simple d’utilisation pour y déposer le résultat de mes recherches. Ensuite, j’ai trouvé les archives départementales en ligne qui m’ont permis d’avancer rapidement, tout en étant confortablement installée devant mon ordinateur. Il m’a suffi de peu pour attraper le virus et j’y ai très vite passé de nombreuses heures. »

Moins d’un an plus tard, Colette recevait via Geneanet le message du Souvenir français, à propos de son grand-oncle. « Imaginez ma surprise, d’autant plus que je n’avais absolument pas connaissance de son existence, pas plus que mon frère, qui est mon aîné de 4 ans. Nos parents n’étant plus là depuis de très nombreuses années, la mémoire familiale s’est en partie éteinte avec eux. Début août, j’ai contacté par téléphone Louis, âgé de 94 ans, le seul cousin de mon père que je connaissais, pour lui faire part de cet événement. À mon grand étonnement, Louis ne connaissait absolument pas, lui non plus, l’existence de son oncle Victor, tout comme avait été passée sous silence l’existence de Marie, une de ses tantes, décédée à l’âge de 7 ans. Même s’il n’a pas laissé transparaître ses sentiments, pudeur oblige, Louis m’a néanmoins semblé ému, mais aussi fier de représenter cet oncle lors de la cérémonie de correction, d’autant plus qu’il est le dernier plus proche parent de Victor, tous ses cousins et cousines germains n’étant plus là pour le faire. »

Mais, coup de tonnerre à l’automne dernier : en approfondissant les recherches, le Souvenir français a retrouvé deux autres soldats qui semblent être dans le même cas, oubliés eux aussi sur le monument. Pourtant, la liste de Louvigné-du-Désert avait déjà été allongée en 2022, lorsqu’un autre nom, lui aussi oublié, avait été ajouté. Jean-Pierre Oger, maire actuel de la commune, pense que si tous ces Poilus avaient été oubliés en 1921 lorsque le monument a été édifié, c’est parce qu’ils étaient certainement à l’époque « portés disparus ».

Alors, prudent, la municipalité préfère attendre le 11 novembre 2025 pour organiser la cérémonie en présence des familles, afin de retrouver des parents vivants de tous les soldats dont le nom va prendre la place qu’il mérite. Reste à savoir quelle sera la méthode employée. En 2022, la liste avait été augmentée d’un nom venant à la suite des autres, avec une gravure à l’identique de l’originelle. Mais malheureusement aujourd’hui « il reste très peu de place » nous a confié le premier magistrat de Louvigné-du-Désert.

Colette, de son côté, poursuit son enquête familiale, déjà satisfaite des premiers résultats, bien au-delà de son espérance : « Mes recherches généalogiques nous ont permis de sortir de l’oubli ceux dont les frères et sœurs ne parlaient pas, jusqu’à en faire oublier leur existence, sûrement par pudeur pour ne pas attiser les souffrances laissées par leur absence. Non seulement Victor, mais aussi Marie, ont repris leur place dans cette fratrie, et j’en suis très heureuse. »

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