Droit à l'oubli : les projets européens inquiètent archivistes et généalogistes
L'alerte est suffisamment grave pour que l'association des archivistes français (AAF) sonne le tocsin. Relayée par la fédération française de généalogie et par des structures associatives comme FranceGenWeb, la mobilisation prend de l'ampleur contre un projet de règlement européen sur les données personnelles.
Le droit à l'oubli, c'est bien quand ça ne va pas trop loin, expliquent en substance les archivistes français dans un communiqué. Justement, le droit à l'oubli vu par l'Europe va beaucoup trop loin estime l'association qui regroupe 1600 professionnels, pour lesquels cette solution radicale est "une réponse trop rapide des législateurs européens pour contrer les visées, scandaleuses, de quelques sociétés".
Avec l'anonymisation des données, l'Europe programmerait ainsi la disparition de sa propre mémoire. Les archivistes relèvent déjà des conséquences que n'ont sans doute pas vues les promoteurs de ce projet. "Vous avez fini vos études ? L’école ou l’université éliminera votre dossier. Vous avez vendu un bien immobilier ? Les services du cadastre détruiront les traces de votre propriété. Vous n’êtes plus employé par votre entreprise ? Celle-ci supprimera les informations vous concernant. A chacun de veiller sur ses propres données, ne comptez plus sur les services publics ou sur votre employeur !"
Pour la Fédération française de généalogie, l'anonymisation = danger. A titre d’exemple et en grossissant un peu le trait, un compte-rendu anonymisé se présenterait ainsi : « M. X , président, a tenu un conseil en présence de Mmes X, X, X et messieurs X,X et X ; le secrétariat de la séance est tenu par Mademoiselle X » ! Pour Michel Sémentery, un tel traitement rendrait dans le futur impossible les recherches généalogiques ou historiques, les archives n’ayant plus de données personnelles à conserver et à communiquer ; le croisement des sources serait également impossible, les mises en ligne des données anciennes interrompues. Encore plus inquiétant, relève le président de la Fédération de généalogie, il s'agit d'un règlement et si le projet était adopté, le vote est prévu pour le printemps, il serait applicable immédiatement car contrairement à une directive européenne, il n’a pas besoin d’être transposé en droit français.
Chez FranceGenWeb, on redoute que la commission européenne aille jusqu'à fermer les archives en ligne. Le blog de l'association estime que la destruction systématique des données personnelles ou leur anonymisation pour éviter des dérives reviennent à jeter le bébé avec l’eau du bain. Avec une telle anonymisation, le généalogiste ne pourrait plus travailler (les actes étant réduits à aujourd'hui x du mois de x devant nous X officier de l'état-civil sont comparus Y et Z qui nous ont déclaré vouloir se prendre pour époux. Témoins U,V,W ayant signé ). Avec la même; logique, FranceGenWeb se plaît à imaginer les cours d'histoire de demain : "en 1515 à Marignan le roi Z a battu les mercenaires x".
Liens :
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Site des Archivistes français : Au nom du droit à l'oubli, quel patrimoine pour l'Europe de demain ?
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Site de la Fédération de généalogie : L'anonymisation ? Attention, danger !
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FranceGenWeb : La commission européenne va t-elle fermer les archives en ligne ?
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L'Expansion : Vie privée sur Internet, Bruxelles va t-elle trop loin ?
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