Pierre Mansat : "des archives de la guerre d'Algérie à nouveau interdites"
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Suite à l’annulation de l’instruction ministérielle IGI 1300 par le Conseil d’État, les archives de la guerre d’Algérie sont-elles accessibles ?
Début juillet, le Conseil d’État a effectivement reconnu la complète illégalité de l’IGI 1300. Seule la loi sur les Archives de 2008 peut s’appliquer. Elle fixe un délai de communication de 50 ans pour ce type d’archives, donc tous les fonds classés « Secret défense » qui étaient interdits par l’IGI 1300 devraient être librement communicables. Mais une nouvelle loi antiterroriste votée fin juillet empêche la consultation des archives des services secrets.
Des recours sont-ils envisagés ?
Le collectif coordonné par l’Association des archivistes français (AAF), l’association des historiens contemporanéistes et l’association Josette et Maurice Audin s’est dissous ; il n’avait pas vocation à perdurer. Nous sommes en train de réfléchir à la création d’un Observatoire de l’accès aux archives pour identifier les problèmes auxquels se heurtent historiens, chercheurs et enseignants dans leur travail historique du fait de l’application de cette loi.
De quelles administrations proviennent ces fonds secrets et que peut-on y trouver ?
Ils viennent de la DGSE-DGSI, des renseignements généraux, de la DST ou des services dits de second cercle qui produisent énormément de documents. Ils ne représentent pas la majorité des archives, mais ils sont extrêmement importants pour l’histoire des mouvements politiques et des mouvements sociaux. Il y a notamment la période de septembre et octobre 1961 avec des actes de répression extrêmement graves de la part du pouvoir politique. Il y a les archives sur les milliers de disparus, enlevés, exécutés et enterrés on ne sait où. Il y a les archives sur les essais nucléaires dans le Sahara, leurs conséquences pour les populations locales et l’environnement. Cette nouvelle loi ferme des pans entiers de la recherche. Ses effets délétères se feront sentir à long terme, car on peut se demander si toutes ces administrations verseront un jour leurs fonds aux Archives nationales, comme elles y sont pourtant obligées.
Vous dénoncez un affaiblissement des archives…
La France avait un système mondialement reconnu avec des archivistes extrêmement bien formés et compétents. Il y a une forme de démission du pouvoir politique sur ce sujet-là et qui laisse la main à des cercles mal identifiés. Ce n’est pas aux services secrets de décider ce qui est communicable ou non, ce qui est archivable ou non et cela quasiment sans contestation possible.
Une ouverture générale des archives, notamment sur la guerre d’Algérie peut à vos yeux se faire sereinement ?
Les archives, c’est l’histoire du pays. C’est une exigence démocratique de savoir ce qu’un gouvernement et les institutions étatiques ont mené comme actions en notre nom. Et il n’y a rien à craindre 50 ans après les faits. Avec le recul, on voit bien que la grande loi d’ouverture des archives de 2008 n’a suscité aucun problème.
À propos des disparus de la guerre d’Algérie, quels blocages empêchent d’enquêter ?
Un guide a été élaboré après les déclarations du président Macron en 2018. C’est un premier pas, mais il est encore incomplet, il s’arrête en 1958. Toutes les archives n’ont pas encore été explorées. Aux Archives d’outre-mer à Aix-en-Provence, il y a un fichier d’un millier de personnes arrêtées par des soldats français et qui pour certaines ne sont jamais réapparues. Et on ne trouve pas tout dans les archives officielles. Un document disant que tel lieutenant a étranglé Maurice Audin, ça n’existe pas. Il faudrait rechercher les fosses communes, les lieux d’ensevelissement des dépouilles, utiliser l’ADN pour établir la vérité. Ni la France, ni l’Algérie ne semblent en mesure de le faire.
Liens utiles
- Les disparus de la guerre d’Algérie, sous la direction de Catherine Teitgen-Colly, Gilles Manceron et Pierre Mansat, L’Harmattan, septembre 2021, 26 €, ISBN : 978-2-343-24022-0
- Les sources relatives aux disparus de la guerre d’Algérie (FranceArchives)
- Le site 1000autres.org présente des cas de disparus et permet de laisser des témoignages
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Commentaires
Le politique ne doit plus
C'est généalogique cette