Tombouctou, les manuscrits sauvés, mais pas sauvegardés
D'après le discours radical des djihadistes ayant pris possession de Tombouctou --chassés depuis par les armées maliennes et françaises--, les fameux manuscrits de la ville devaient subir le même sort que les mausolées. Tout comme les lieux saints détruits à coups de pioche, les précieux écrits protégés par l'Unesco devaient subir une "purification par le feu". Fort heureusement, les dégâts ont été limités.
Avant leur fuite fin janvier, les islamistes ont saccagé une partie de la grande bibliothèque publique Ahmed Baba, y brûlant quelque 3.000 manuscrits anciens. Mais cette destruction est relativement faible par rapport à un ensemble très mal connu et surtout très dispersé. Ennuyeux également, les sauvegardes informatiques effectuées depuis 2009 ont disparu. Personne ne sait si les disques numériques sur lesquels avaient été placées les images sont encore en état de marche.
La société française Arkhênum connaît bien ces sauvegardes, car c'est elle qui a numérisé une partie des images et surtout elle qui a formé des maliens comme opérateurs pour ce travail délicat. Bien connue des généalogistes pour avoir remporté des dizaines de marchés de numérisation, Arkhênum a répondu en 2009 comme bénévole à un appel lancé par la Région Rhône-Alpes et l'école d'ingénieurs INSA de Lyon.
Il s'agissait de numériser les manuscrits de Tombouctou, non pas ceux entre des mains publiques comme ceux de la bibliothèque Ahmed Baba, mais ceux restés entre des mains privées. Arkhênum a donc formé des Maliens à Bordeaux pendant plusieurs mois. Après avoir numérisé une centaine de documents, les opérateurs sont repartis dans leur pays muni d'un scanner haute définition offert par la région et ont poursuivi sur place leur oeuvre de sauvegarde numérique.
Le problème est que le travail n'a pas été terminé. Les disques de sauvegardes de Tombouctou n'ont jamais été basculés sur des serveurs sécurisés à Bamako. Après quelques tempêtes de sables et l'invasion des djihadistes, ces fragiles supports ont été égarés. Il ne fait guère de doute aujourd'hui que leur contenu est lui aussi perdu et que le scanner a été volé.
"Ce n'est hélas pas une priorité", explique t-on chez Arkhênum, regrettant l'échec de cette opération qui a quand même coûté dans les 100.000 euros, entre l'achat du scanner par la Région, les salaires des opérateurs maliens formés en France et la prise en charge du transport des personnes et du matériel de France à Tombouctou...
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