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Un Stuart dans la nation corse

Dans le cadre de sa journée Porte ouverte organisée mi-septembre 2014, l'association Recherche sur l'Histoire des Familles Corses (R.H.F.C.) a accueilli une conférence de Desideriu Ramelet-Stuart, venu tout exprès de Corse pour présenter le second livre qu'il a consacré à la famille Stuart de Castifao : ''Un Stuart dans la nation corse'' (Editions Stuart of Corsica 2013). Il a ainsi expliqué les recherches qu'il a menées depuis plusieurs années afin de retracer l'histoire de sa famille Stuart et les raisons de sa venue et de son installation en Corse. Cette quête l'a amené à resituer cette histoire familiale dans un cadre historique et géographique beaucoup plus vaste.

Vers la fin du XVIIe siècle, c'est la foi catholique affichée de Jacques II roi d'Angleterre, d’Écosse et d'Irlande, qui lui attira l'hostilité de nombreux de ses sujets, nobles ou pas, favorables à l'anglicanisme protestant, et entraîna sa destitution et son exil forcé avec sa famille en France où Louis XIV, son cousin, les accueillit au Château de Saint-Germain-en-Laye et où il séjourna jusqu'à sa mort. Plus tard, son fils Jacques III dût s'exiler en Italie et s'établit définitivement avec sa cour dans les États Pontificaux jusqu'à sa mort. Or, ces rois avaient besoin d'un royaume, même petit, pour retrouver une légitimité et les Corses, considérés comme des rebelles, voulaient chasser le tyran génois et devenir indépendants. Sans rentrer dans les détails que nous a donnés l'auteur, sur les guerres, conflits et tractations diverses survenus pendant de longues années, on peut dire en résumé qu'au XVIIIe siècle, la question corse a été au centre de projets et d'enjeux diplomatiques européens mêlant les Stuarts, les jacobites [partisans du roi Jacques II], les francs-maçons, la papauté, des rois et des princes catholiques ou protestants, leurs émissaires officiels ou officieux et les nationaux corses.

C'est ce contexte agité auquel s'est ajoutée la destruction des archives paroissiales irlandaises, et par là tout espoir de retrouver des éléments sur sa famille, qui a contraint l'auteur à mener un long travail de recherches pour reconstituer la vie de son ancêtre Manuel Stuart (le patronyme Stuart ou Stewart vient de la fonction de sénéchal) mêlé à certains de ces évènements, dont il a lui-même fait état dans une sorte d'agenda autobiographique.

Un ancêtre plus récent de l'auteur, Théodore Stuart (1864- 1917), premier chercheur historien de sa famille avait déjà mené des recherches en Toscane et auprès du vice-consul d'Angleterre à Bastia et avait ainsi pu découvrir le lien qui unissait sa famille au clan royal Stuart, sans cependant retrouver aucun papier et sans laisser d'écrits. Plus tard, dans les années 1920, Dominique Stuart, grand-père de l'auteur, se souvient d'avoir été le témoin de disputes à propos de questions d'héritage. Tout ce qui touchait à l'histoire des Stuart était un sujet tabou.

Emmanuel Stuart [qui signait Manuel Stuart] né en 1735, d'origine irlandaise a vécu une partie de sa jeunesse à Belfast en Écosse qu'il quitte, alors protestant, pour Londres afin de rejoindre la Royal Navy où il devient spécialiste de l'artillerie et navigue en Méditerranée. Là, il décide de déserter, se retrouve dans la ville de garnison d'Orbetello en Toscane où il va s'engager pour quatre ans dans un régiment espagnol composé en partie d'Irlandais et d’Écossais, commandé par un Irlandais, James Francis FitzJames Stuart, second Duc de Berwick. Il est alors basé à Porto Longone, place forte où il côtoie Pasquale de Paoli, sous-lieutenant dans cette place. Entretemps, il s'est converti au catholicisme.

L'année 1765, voit des négociations directes entre Pasquale de Paoli et des Jacobistes, l’État corse étant devenu une réalité. A partir de là, le nombre d’Écossais et de Stuart en Corse va augmenter rapidement. De même, des personnes-ressources appuyant le projet de création d'un royaume de Corse débarquent à l'Ile Rousse et prennent la route qui passe par Castifao où ils logent au couvent de Caccia. Les nationaux corses, acceptent la souveraineté des Stuart qui, retrouvant une légitimité, acceptent de se soumettre à une constitution voulue et administrée par le peuple corse et lui assurent son indépendance.

C'est dans ces circonstances que Manuel Stuart va rejoindre la Corse. Il a en effet décidé de s'engager dans l'armée levée par le Général Pasquale de Paoli, avec d'autres soldats d'origine écossaise, pour libérer la Corse du joug génois.

Manuel a vécu les premières victoires des Paolistes puis leur défaite par l'armée française en 1769 et l' annexion par la France de la Corse qu'il a dû fuir. Il y retourne en 1774 avec la famille qu'il a fondée en Italie, pour participer aux derniers combats contre les Français, à la défaite militaire des Paolistes et à la fin de tout espoir de voir la famille Stuart régner sur la Corse. Il demeure néanmoins en Corse, entouré d'un réseau actif de solidarité de notables paolistes qui lui a permis de survivre dans la clandestinité jusqu'à sa mort en 1780 à Petralba.

On comprend mieux les raisons de son parcours et ses choix quand on apprend que les recherches de l'auteur lui ont permis de déterminer que son ancêtre Manuel était un fils légitime d'un petit-fils illégitime de Jacques II Stuart. Ainsi par son engagement, Manuel Stuart servait en même temps les intérêts de la Maison Royale Stuart et se rendait utile à la patrie de Pasquale de Paoli.

Afin d'étayer les données recueillies par des méthodes de recherche classiques et le fragment de mémoire transmis au travers des générations par la famille Stuart sur ses liens avec le clan royal Stuart, Desidériu Ramelet-Stuart a eu recours aux techniques modernes de la généalogie génétique à savoir la mémoire du corps, l'ADN humain : Les toutes dernières recherches menées en 2014 ont permis d'isoler un marqueur spécifique [importance du chromosome mâle Y] d'un individu qui a vécu au XIIIe siècle, marqueur qui n'a subi que de légères mutations chez des descendants actuels de la famille Stuart vivant en Corse. Des spécialistes généticiens ont pu démontrer la correspondance génétique entre le plus vieux Stuart de Corse testé et un descendant naturel et direct de Charles II Stuart, qui nous conduit en remontant à James Stuart I d'Angleterre, fils de Marie Stuart. Une autre scientifique reconnue mondialement confirme que le rapprochement des 2 ADN fait apparaître qu'il y a 100% de chances qu'il y ait le même ancêtre commun il y a 12 générations, ce qui ramène bien à Jacques Stuart I d'Angleterre.

Après une telle démonstration, comment ne pas être convaincu qu'au terme d'un bel effort de recherche, la victoire est au bout du chemin, même si l'on n'a pas des ancêtres aussi prestigieux que ceux d'une famille royale !

[MAJ 06/10/2014 suite au commentaire]

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