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Une année de jurisprudence en généalogie successorale

La généalogie successorale est à l'origine d'un contentieux riche, notamment en matière de contrats de révélation de succession. L’année écoulée a confirmé cette tendance, avec plusieurs décisions marquantes de la Cour de cassation et des cours d’appel sur des points cruciaux. Ils ont fait l’objet d’une analyse publiée dans la revue juridique Lamy - Droit civil par Me Marc-Olivier Huchet, avocat spécialisé qui se penche régulièrement sur ce sujet. 

Ainsi, l’utilité de l’intervention du généalogiste constitue un sujet de litige fréquent. Lorsqu’un héritier conteste les honoraires ou la validité d’un contrat de révélation, les juges doivent vérifier si les recherches étaient réellement nécessaires. Si l’héritier prouve qu’il connaissait déjà ses droits ou bien aurait pu être facilement localisé, le contrat peut être annulé.

Sur la question de la rémunération des généalogistes, les tribunaux peuvent la réduire si elle paraît disproportionnée par rapport au service rendu. La jurisprudence oscille entre deux critères : l’importance du service et les efforts déployés. Toutefois, cette distinction reste floue et des décisions contradictoires reflètent les difficultés à évaluer objectivement les prestations. Des arrêts récents montrent également une rigueur accrue dans la validation des prestations facturées par le généalogiste, notamment lorsqu’elles vont au-delà de la simple révélation, comme la gestion des droits successoraux.

En l’absence de contrat, l’indemnisation des généalogistes repose sur le principe de la gestion d’affaires pour autrui, limitée au remboursement des frais nécessaires. De nombreux professionnels peinent à justifier ces dépenses, rendant leurs revendications infructueuses. Les juges insistent sur la nécessité de preuves tangibles, comme des factures ou des documents détaillant les démarches.

Autre thème qui revient souvent, celui du point de départ de la prescription. C’est le délai pendant lequel l’héritier peut engager une action contre le professionnel dont il serait mécontent. La Cour de Cassation a précisé dans un arrêt récent que, dans les contrats engageant des prestations continues, la prescription débute à la fin de la mission, et non lors des paiements intermédiaires. Donc tant que le dossier reste ouvert, l'action du généalogiste continue... 

Pour Me Huchet, ces contentieux récurrents révèlent l’urgence d’une réforme réglementaire. Parmi les solutions proposées, les honoraires seraient encadrés, payés directement par le notaire -et non par l'héritier-, selon un barème standard. Elle aurait l'avantage d'offrir une solution pérenne et simplifier les litiges, tout en valorisant le rôle essentiel des généalogistes successoraux. Cependant, il n'est pas sûr que ces derniers renonceraient si facilement au contrat de révélation... 

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  • Portrait de Steve Isaac

    Dans son article publié dans Lamyline, Me Marc-Olivier Huchet entend faire reconnaître aux praticiens de la généalogie successorale, profession non réglementée, des honoraires obligatoires, sans limitation de montant ni plafonnement. Dans les faits, un héritier démarché par un généalogiste est volontairement laissé dans l'ignorance de l'actif de la succession, de l'origine de l'héritage et même de l'identité du notaire liquidateur. Le professionnel de la généalogie prétend ainsi mettre en vente un prétendu "secret" en proposant de « révéler » l'origine de la succession ainsi que l'identité de l'officier ministériel en charge de son règlement. Le « contrat de révélation de succession » est une convention depuis longtemps identifiée comme un contrat commutatif. Il n'est plus sérieusement qualifié de « contrat aléatoire » dès lors que, comme l'indiquait jadis le professeur Lochouarn, les généalogistes sollicités par les notaires contractent en parfaite connaissance de la succession (notamment de l'actif successoral et, plus particulièrement, de l'existence d'autres héritiers), ce qui suffit à exclure l'"événement incertain" requis par l'article 1964. Il faut également en finir avec la prétendue "utilité sociale" de la généalogie successorale (qui ne peut évidemment pas être confondue avec un « service public ») : si cette activité privée a une quelconque utilité, c'est pour les besoins professionnels des officiers ministériels qui font appel à ses services. Car, en principe, lorsqu'un notaire demande l'assistance d'un généalogiste professionnel pour le règlement d'une succession, un lien contractuel se forme entre le donneur d'ordre et son sous-traitant. Ceci relève en effet d'une "prestation de services pour une activité professionnelle" faisant nécessairement "l'objet d'une facturation" conformément à l'article L441-9 du code de commerce (ancien article L441-3). Or, en pratique, les deux professions s'écartent de ce procédé légal pour faire peser sur un tiers à la convention (l'héritier) l'exécution de leur pacte, à l'opposé du principe de l'effet relatif des contrats, consacré à l'article 1199 du code civil (article 1165 ancien). Si le tiers/héritier refuse de rémunérer le généalogiste, il sera généralement assigné en justice sur le fondement de la gestion d'affaires, dont le régime est alors instrumentalisé pour imposer les effets d'un contrat que l'autre partie n'a pas accepté (selon les mots de la professeure Naudin). Pourtant, c'est bien le notaire qui prend l'initiative de contacter un généalogiste dans son intérêt professionnel. Il n'a aucune obligation à le faire : l'officier ministériel peut, de son propre chef, établir la dévolution successorale sans aide extérieure. A cet égard, le 4e alinéa de l'article 730-1 du Code civil permet déjà de résoudre une partie de la question de la saisine des cabinets de généalogistes. Car dans le cadre de la rédaction d'un acte de notoriété, prérogative exclusive du notaire (1er alinéa de l'article 730-1), l'officier ministériel en charge de la succession a la possibilité de s'informer auprès des personnes "dont les dires paraîtraient utiles" ce qui doit être assimilé à un moyen (d'ordre légal) dont dispose l'officier ministériel pour recueillir des informations auprès des généalogistes qu'il a lui-même missionnés à cet effet. Pour rappel, l'acte de notoriété, souvent présenté par les notaires comme une garantie de sécurité juridique, permet d'établir la dévolution successorale. Le généalogiste n'est donc à priori pas susceptible de procéder à une rétention d'informations aux dépens du notaire qui l'a missionné, ce dernier étant donc toujours en capacité de prendre contact directement avec ses clients héritiers. L'acte de notoriété n'est d'ailleurs pas un document obligatoire pour prouver sa qualité d'héritier qui peut s'établir par tous moyens (article 730 du Code civil), d'autant plus que, dès l'ouverture de la succession, « Les héritiers désignés par la loi sont saisis de plein droit des biens, droits et actions du défunt » (article 724 du Code civil) et que c'est à ce titre que le notaire en charge de la succession a l'obligation de rechercher, avec ou sans assistance extérieure, les héritiers (ses clients, même inconnus) : le cas échéant, il n'a pas à s'abstenir d'interroger le généalogiste qu'il a volontairement missionné pour l'aider dans sa recherche, étant entendu que « toute personne dont les dires paraîtraient utiles peut être appelée à l'acte [de notoriété] ». Me Huchet ne prend pas non plus la peine de revenir sur la nature quasi-contractuelle de l'institution de la gestion d'affaires. En effet, la gestion d'affaires est un quasi-contrat, fait purement volontaire (art. 1300 du code civil) qui n'exprime de la part de leur auteur aucune volonté de se lier et qui ne cherche pas à produire des effets de droit (de par son caractère "spontané" souvent marqué par l'urgence). Un gérant d'affaires, ou prétendu tel, ne peut donc pas suspendre brutalement sa gestion et la laisser inachevée aux dépens du maître, dans le seul but de conclure avec ce dernier un contrat pour une prestation déjà réalisée dans le cadre d'un quasi-contrat. Dans les faits, le généalogiste s'autorise donc à agir sur le terrain contractuel puis, à défaut d'accord de volontés, à substituer irrégulièrement son action sur le terrain quasi-contractuel. La jurisprudence a depuis longtemps écarté cette solution, un quasi-contrat ne pouvant avoir pour objet de se substituer à une action contractuelle. En effet, cela reviendrait à faire de la gestion d'affaires, institution visant à assurer l'équité entre les parties, un instrument pour imposer les effets d'un contrat auquel l'une des parties n'a pas consenti. A cet égard, Me Huchet ne semble pas mesurer toute la portée de l'arrêt de la Première Chambre civile le 29 mai 2019 (confirmé dans un arrêt du 18 novembre 2020) qui, combiné à un autre arrêt du 30 janvier 2019, impose que seuls les frais et débours peuvent être indemnisés dans une gestion d'affaires, tant que ceux-ci peuvent être documentés et justifiés... Autrement dit, aucune rémunération ne peut être attendue d'une gestion d'affaires ! Un généalogiste se prétendant « gérant d'affaire » devra ainsi être en mesure de présenter tout justificatif de type « tableau de travail », « factures de frais de déplacement, de restaurant, d'hôtel, de parking », etc., pour prétendre obtenir une quelconque indemnisation de ses débours. La cour suprême ne faisant d'ailleurs là qu'un juste rappel des textes en vigueur... En outre, il est inconcevable de considérer que le généalogiste peut obtenir une rémunération en qualité de « mandataire professionnel ». En effet, le « mandat » invoqué à l'article 36 de la loi du 23 juin 2006 n'est en rien un mandat au sens du droit commun : il s'agit seulement d'une levée d'interdiction en vue de la consultation des archives non publiques, préalable à l'autorisation du procureur de la République. Un "mandat" au sens du code civil est un contrat par lequel une personne, qu'on appelle le "mandant", donne à une autre personne, le "mandataire", le pouvoir de faire un ou des actes juridiques en son nom et pour son compte (articles 1984 et suivants du Code civil). De ce fait, le généalogiste, exerçant une activité non réglementée, n'est jamais porteur d'un mandat de représentation d'un notaire ! Enfin, les barèmes proposés par Me Huchet visent à établir une double facturation de l'acte de notoriété (qui, rappelons-le, est dressé « à la demande d'un ou plusieurs ayants droit » !) : une fois par le notaire (en application du tarif légal du notaire) puis une autre fois par le généalogiste par une appropriation injustifiée d'une quote part de l'actif, sans d'ailleurs que ne soit prévu aucun plafonnement. Cela reviendrait aussi à établir de nouvelles règles successorales : tout ayant droit ne s'étant pas déclaré, dans un délai de 4 mois, auprès de l'officier ministériel en charge de la succession, perdrait sa qualité d'héritier de plein droit au profit d'un sous-traitant privé, désigné de facto comme un cohéritier (et, par voie de conséquence, principal bénéficiaire) de la succession du seul fait de son « mandatement » par le notaire. Ceci n'est évidemment pas tenable. Rappelons par ailleurs que le secret professionnel du notaire, "général et absolu", couvre tout ce qui a été porté à sa connaissance dans l'exercice de ses fonctions, y compris donc la consistance de l'actif des successions dont il a la charge. La valeur précise ou approximative d'un héritage est donc une information inaccessible au généalogiste, simple prestataire de l'officier ministériel. Une telle information n'est d'ailleurs pas utile à la réalisation de la mission du généalogiste successoral, laquelle se limite à retrouver les clients du notaire, dans l'intérêt professionnel de ce dernier. Concernant la valeur réelle de la prestation des généalogistes, au regard de la jurisprudence, ces professionnels évaluent eux-mêmes leur véritable travail de recherche dans une fourchette forfaitaire comprise entre 800 € et 1700 € selon les difficultés des dossiers. Le contrat de révélation de succession n'est, quant à lui, que l'aboutissement d'une ancienne pratique coutumière. Il est d'ailleurs devenu un sujet tabou au sein de la profession elle-même puisque les généalogistes évitent désormais de le mentionner publiquement dans les reportages qui leurs sont régulièrement consacrés. Ainsi, la proposition de Me Huchet : - contredit le principe de liberté contractuelle en imposant les effets d'une convention non consentie ; - remet en cause le principe de l'effet relatif du contrat, puisque seul le notaire peut rémunérer une prestation qu'il a commandée en son nom et pour son compte, en vue de réaliser sa mission d'Etat ; - met en péril les intérêts des héritiers en accordant aux généalogistes un droit exorbitant et infondé sur des parts successorales, sans aucun plafonnement de rémunération ; - modifie les règles régissant le droit successoral en accordant aux généalogistes la qualité de quasi-cohéritiers. Il nous semble donc opportun de rappeler ici que : - la prestation d'un sous-traitant généalogiste doit être facturée à son partenaire notaire, au regard de l'article 1199 du code civil ; - le généalogiste missionné n'a aucun droit à contracter avec les héritiers, clients du notaire, puisque l'article 36 de loi du 23 juin 2006 envisage seulement un mandat de recherche d'héritiers, et non un mandat de représentation du notaire ; - le montant de la rémunération du travail de recherche du généalogiste est compris entre 800 et 1700 € en fonction des difficultés des dossiers.

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