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Partons en croisade pour une généalogie nouvelle

Par Anonyme

Aux États-Unis, octobre était le mois de l'"histoire des familles" (ou histoire familiale, autre nom donné par les Américains à la généalogie). Le site 1000memories a publié à l'occasion de ce "family history month" les résultats d'une enquête, comparant l'évolution de la relation des Américains à la généalogie entre 2007 et 2011. Des personnalités américaines du monde de la généalogie ont ensuite été invitées à réagir à ces résultats.

Ancestry.com avait réalisé une étude en 2007 qui montrait que les Américains ne connaissent pas ou très peu leur histoire familiale. Quelques chiffres pour illustrer cette conclusion, qui apparut comme une surprise aux commanditaires de l'étude :

  • 1 Américain sur 2 ne peut nommer aucun, ou seulement un seul de ses arrière-grand-parents, et seuls 4 sur 10 peuvent donner le nom de jeune fille de leurs deux grand-mères ;

  • 1 Américain sur 3 ne sait pas quels métiers exerçaient ses grand-pères ;

  • plus surprenant encore, 27% ne connaissent pas les origines géographiques de leur famille (avant l'émigration aux États-Unis) ;

  • pourtant 78% des Américains déclarent être intéressés par l'histoire de leur famille, et 1 sur 2 dit avoir déjà fait des recherches.

En quatre ans, beaucoup de choses ont changé aux États-Unis concernant la généalogie : de nouvelles archives en ligne, de nouveaux outils (numériques), des émissions grand-public comme "Who do you think you are ?" sur la chaîne NBC... 1000memories.com s'est interrogé sur l'impact de ces nouveautés : ont-elles amené plus d'Américains à commencer leur généalogie ? Le site a donc fait actualiser en 2011 le sondage de Ancestry.com.

Conclusion :

  • de plus en plus de personnes intéressées par l'histoire de la famille : 80% en 2011 contre 78% en 2007 (...espérons simplement que cette évolution est statistiquement significative, mais accordons le bénéficie du doute au commanditaire de l'étude qui tire cette conclusion) ;

  • mais une baisse de la connaissance de leur famille : seuls 40% des Américains sont capables de citer plus d'un de leurs arrière-grand-parents (contre 50% quatre ans auparavant).

Comme Ancestry.com quatre ans plus tôt, 1000memories.com a semblé très surpris par ces résultats, et a sollicité les réactions de plusieurs personnalités médiatiques du monde de la généalogie (blogueurs, auteurs, généalogistes professionnels, dirigeants, dont notamment le responsable de la FGS, l'équivalent aux États-Unis de notre FFG). 1000memories a appelé de ses vœux, dans un élan très américain, une évolution de la communauté des généalogistes dans les années à venir, un véritable changement de paradigme pour la généalogie et l'histoire des familles.

Le débat ainsi provoqué s'est révélé fécond, pléthore d'idées créatives se disputant la part belle à autant de provocations positives. Citons par exemple la généalogiste Caroline Pointer, qui propose de "lâcher des jeunes armés de smartphones dans les maisons de retraite, où il recueilleront les témoignages des anciens". Ou encore la corrosive question posée par le généalogiste "numérique" Thomas MacEntee : "si votre cercle généalogique mettait la clé sous la porte demain, qui s'en soucierait ?". La synthèse des idées recueillies pourrait s'intituler "Partons en croisade pour une généalogie nouvelle". Voici les principaux axes de travail qui s'en dégagent :

 

  • Changer l'image de la généalogie et en casser les stéréotypes. Non, la "vraie" généalogie n'est pas une discipline réservée aux retraités et universitaires, et ne se résume pas forcément à d'austères recherches N-M-D visant à établir un arbre généalogique (ascendant par quartiers). Ne devrait-on pas plutôt parler d'histoire des familles, et accepter les centres d'intérêt de chacun, celui d'untel pour son ancêtre "POW" pendant la Seconde Guerre mondiale, l'autre pour une "dynastie" de chercheurs d'or... ?

  • S'ouvrir aux nouveaux généalogistes. Accueillir les jeunes évidemment, qui s'intéressent à leur "tribu", mais aussi mieux accueillir les nouveaux membres dans les cercles généalogiques. Aider les débutants à démarrer leurs recherches.

  • Intégrer et accompagner les nouveaux usages numériques. Favoriser l'essor du numérique, de la mise en ligne sur Internet et de l'indexation des ressources historiques et généalogiques, mais aussi rendre plus accessible cette information foisonnante (par plus de "curation" diraient les spécialistes du Web 2.0).

  • Repenser le rôle et le fonctionnement des cercles, clubs et autres instances généalogiques... pour servir les trois objectifs mentionnés ci-dessus évidemment.

On peut sourire à l'emphase ou à la (l'apparente) simplicité de certaines idées... ou peut-être devrions-nous avec quelque humilité profiter de ce miroir tendu par nos fellow genealogists d'outre-atlantique pour initier une réflexion collective sur l'avenir de la généalogie en France ?

Car par-delà quelques succès notables, à mettre au crédit de nos archivistes ou fruits de quelques initiatives isolées (comme les premières Généalogiques à Paris), 2011 restera comme une année bien morose dans les annales généalogiques : échec du Congrès National de Généalogie de Lille, nombreux articles sur Internet dénigrant la généalogie et ceux qui la pratiquent, le tiraillement public-privé illustré par le feuilleton judiciaire à rebondissements Cantal vs NotreFamille.com, les généalogistes absents des tables rondes sur la réutilisation des données publiques, la situation ubuesque des licences de réutilisation, le blues des généalogistes professionnels familiaux et la lancinante question de la rentabilité de leur profession, les salles de lecture des Archives départementales désertées...

Comme disent les Américains : "It's time to change the game" !

Renan Yvon, webmestre du blog Entre nous et nos ancêtres

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