Les patronymes espagnols, reflets des royaumes du moyen-âge
Une équipe de recherche franco-espagnole, impliquant le Musée de l’Homme-CNRS et l’université de Salamanque, s’est penchée sur la répartition géographique des patronymes espagnols. Il s'agissait d’en identifier les différences régionales. Surprise, les noms des espagnols d'aujourd'hui se calquent presque parfaitement sur la carte des anciens royaumes du moyen âge ! La Navarre, la Castille-Leon et l’Aragon survivent toujours dans la répartition des noms de famille en Espagne !
Comme en France, l’adoption des noms de famille en Espagne, date de la fin du Moyen Âge. C'est la phase finale de la Reconquista des territoires arabes du sud par les royaumes catholiques du nord, un moment qui marque le début de l’unification politique du pays. Dans une étude qui vient de paraître dans la revue américaine PLOS One, les scientifiques sont partis d’analyses du recensement de la population espagnole de 2008 (padrón municipal). Ils ont classé les 47 provinces de l’Espagne continentale selon la différence ou la similarité, de leurs patronymes, soit 33.753 patronymes correspondant à plus de 30 millions d’individus. La répartition géographique qui en résulte correspond aux royaumes qui existaient au Moyen Âge, exception faite pour le royaume de Castille.
Pour vérifier leur thèse, les chercheurs ont procédé à une analyse informatique des différences linguistiques régionales, elle aboutit à des résultats semblables. Seule la Castille, au sens large, apparaît comme largement indifférenciée parce que de nombreux noms de famille y sont très fréquents. Les Rodriguez, Diaz, etc. se sont imposés -par prestige et par contrainte- aux populations annexées lors de la vaste unification territoriale initiée par Isabelle Ière de Castille. L’Espagne est le pays d’Europe avec le plus faible nombre de patronymes, le retard du développement industriel au XIXe siècle n’a pas entraîné de migrations internes importantes et la politique antirégionaliste du général Franco ont contribué à figer une géographie patronymique qui reste proche de celle du Moyen Âge.
Il est intéressant de constater, poursuivent les chercheurs, que le groupe basque, linguistiquement très différencié, ne l’est pas du point de vue des noms de famille. Il apparaît aussi que les régions correspondant à l’ancien royaume d’Aragon (dont la Catalogne faisait partie) sont les plus riches en noms de famille. La raison est que ce royaume, politiquement uni avec celui de Castille, a gardé une administration propre qui a empêché la « castillanisation » de ses patronymes. Il est rare que des faits historiques et politiques laissent des traces aussi claires dans la géographie des noms de famille d’un pays. Le cas de l’Espagne est unique à cet égard. Sacrée Espagne, ni tout à fait la même, ni tout à fait une autre...
Site du Musée de l'Homme : www.mnhn.fr
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