Nous avons vu "Normands. Migrants, conquérants, innovateurs"

Les généalogistes aux racines normandes savent qu’ils sont au moins en partie descendants des célèbres Vikings, appellation couramment utilisée depuis le XIXe siècle seulement. C’est à cette part de leur histoire et de celle de leur région d’origine que Rouen consacre jusqu’au milieu de l’été une exposition. Intitulée « Normands -  Migrants, conquérants, innovateurs », elle est présentée sur deux sites : le musée des Beaux-Arts et celui des Antiquités.

Revenant sur l’histoire des « hommes du Nord », les Vikings, - désignés comme les Normands après leur arrivée sur les côtes françaises – et des « Varègues », sous-groupe présent plutôt dans l’est de l’Europe, elle montre de quelle manière ils ont façonné l’Occident médiéval jusqu’au bassin méditerranéen, leurs conquêtes les menant jusqu’en Sicile.

Les traces de leur présence et de leur intégration dans les territoires conquis sont aujourd’hui surtout perceptibles à travers des mentions dans des manuscrits anciens et des objets dont les plus significatifs sont présentés dans les deux musées. Cette présence apparaît aussi dans les toponymes normands actuels.

Venus d’abord dès le VIII^e siècle conquérir le territoire par les attaques des monastères et églises, ils ont peu à peu adopté la langue et les coutumes locales, puis le christianisme suite au Traité de Saint-Clair-sur-Epte signé par le chef viking Rollon et le roi des Francs, Charles III Le Simple. Adopté en 911, ce texte est fondateur de l’histoire de la région puisqu’il a abouti à la création du Duché de Normandie. Il a aussi formalisé certains échanges : ces premiers Normands se sont alors convertis au christianisme mais ont obtenu des terres allant de l’Epte à la mer. Le royaume de France a, lui, été protégé des invasions vikings.

À l’échelle locale, dès ce moment les lois appliquées en Normandie se sont largement inspirées du droit scandinave.

Les conquêtes ne se sont pas pour autant arrêtées : en 1066, Guillaume le Conquérant, alors Duc de Normandie, conquiert l’Angleterre, autre moment historique majeur sur lequel revient l’exposition.

Le fameux « Domesday Book » fera rêver les généalogistes : commandé par Guillaume le Conquérant, il recense les propriétés du royaume et leurs possesseurs. Il mentionne notamment des orfèvres aux noms germaniques installés en Angleterre, révélant ainsi les mélanges de populations qui émaillent nos généalogies.

Guerriers, les Vikings et les Varègues étaient aussi des commerçants, des artisans, des paysans et des marins. Ils ont donc apporté dans les territoires conquis leurs savoir-faire dans différents domaines dont témoignent les objets présents dans les vitrines.

Les visiteurs férus d’histoire familiale ne manqueront pas d’examiner avec intérêt les arbres généalogiques présentés, notamment celui de la famille des Hauteville liée à la conquête de la Sicile et celui des Plantagenêt, descendants de Guillaume le Conquérant, qui jouèrent aussi un rôle essentiel par leur soutien, notamment financier.

L’exposition montre ce que ces migrants conquérants ont apporté dans les siècles passés aux populations et territoires locaux. L’histoire des territoires conquis s’est nourrie des échanges et influences réciproques entre nouveaux venus et autochtones. Au-delà de son intérêt historique local, elle se veut aussi un appel à la réflexion sur la question de l’immigration, toujours prégnante dans nos sociétés.