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Un Anglais dans mon arbre (généalogique)

Une BD généalogique ? Bof ! En lecteur très blasé face aux classiques bonnes ou mauvaises idées d’éditeurs, je m’attendais à un album à tout le mieux gentil et un peu mièvre, comme j’en avais déjà feuilleté… Quelle ne fut donc pas ma surprise, lorsque je l’eus entre les mains et que je l’ouvris, de ne le refermer qu’après l’avoir lu jusqu’à sa dernière ligne. Car si en effet la généalogie mise en bandes dessinées n’a jusqu’à maintenant donné que des résultats banals et assez décevants, elle offre cette fois-ci une réussite exceptionnelle et cela – il n’y a pas de secret – grâce aux très grands talents et savoir-faire consommés de ses deux auteurs. Olivia Burton, qui raconte ici sa propre enquête, est en effet metteur en scène, et notamment de livres d’Agatha Christie. Quant au dessinateur, Mahi Grand, qui n’en est pas à sa première création avec elle, il est de son côté scénographe pour le théâtre…

Et tout en effet est parfait. D’abord le scénario, portant très classique, avec une famille recomposée, redécouverte à la mort du père, criblé de dettes, et le récit d’un vieil oncle, évoquant un ancêtre anglais célèbre, pour lequel elle va se passionner : un explorateur impétueux du continent noir, découvreur des sources du Nil et traducteur du Kamasutra… Ensuite la formule, avec un récit – pardon une BD – à deux voix, celle de l’ancêtre et de la descendante, et à deux registres d’images, chacun très intéressant, mêlant voyage dans l’espace et voyage dans l’Histoire, voyage effectué par la descendante en compagnie de son ancêtre, formule allant jusqu’à oser des dialogues entre eux, nullement mièvres ni ridicules. L’atmosphère enfin, avec un récit à la fois plein de vie, d’humour et de suspense, récit d’une grande sensibilité et d’un réalisme sans concession, notamment avec la fin  très généalogique – que je vous laisse le plaisir de découvrir… Un cadeau à (s’)offrir, sans hésitation ! Et des auteurs qui ont, avec cet ouvrage, fait avancer l’image de la généalogie.

Références

Trois questions à Olivia Burton

Qui êtes-vous ?
Je suis une femme entre deux rives, résumées par mon patronyme et mon prénom : d’un côté une invitation à une rêverie anglo-saxonne, de l’autre un parfum de Méditerranée ! C’est comme ça qu’il m’a plu, sur le tard, de penser à mes origines, pourtant incertaines, jusqu’à ce que j’entame le travail de recherche qui a donné lieu aux deux bandes dessinées créées avec Mahi Grand : L’Algérie c’est beau comme l’Amérique (Steinkis, 2015) et Un Anglais dans mon arbre.

Pourquoi ce livre ?
Il prolonge le premier dans ma quête des origines. Après la mère, le père… Or celui-ci fut assez défaillant. Il ne m’a rien transmis, à part un bout d’histoire, celle de cet ancêtre britannique flamboyant dont la famille descendrait, Richard Francis Burton, explorateur et érudit, espion et fin traducteur, homme aux mille vies. Récupérer soudain une telle ascendance m’a semblé constituer un ferment romanesque et croiser des questions qui me passionnent : sur le déterminisme social et familial, la force des légendes et des mensonges, l’hérédité et les fantasmes qui l’entourent. Sans oublier l’intérêt historique de croiser le destin d’un outsider du XIXe siècle avec la vie banale d’une Française du XXIe.

Comment avez-vous travaillé ?
Avec Mahi Grand, nous discutons de tout, à toutes les étapes. Mahi ne fait pas les voyages mais la documentation que j’en rapporte, ses recherches et sa sensibilité lui permettent d’en rendre compte très justement tout en les réinterprétant graphiquement avec son style. Concrètement, j’écris d’abord un synopsis puis nous avançons chapitre par chapitre pour les dialogues et le découpage. Ces allers et retours constants sont très stimulants.

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Olivia Burton, deux albums : "L’Algérie, c’est beau comme l’Amérique", dans lequel elle retrouve les traces de sa famille pieds-noirs, déracinée par la guerre d’Algérie, et "Un Anglais dans mon arbre".

 

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