Affaire des falsifications de l’état civil de Rochemaure (suite)
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Fin septembre, nous vous avons relaté un procès en appel visant le journaliste Guillaume de Morant, relaxé en première instance de l’accusation de diffamation portée contre lui par Marc Cheynet de Beaupré à la suite d’un article paru dans l’hebdomadaire Marianne en 2018 qui racontait comment ce dernier s’était prévalu d’une généalogie manifestement trafiquée pour pouvoir récupérer une particule et intégrer des cercles nobiliaires.
Le jugement de la Cour d’appel de Paris, annoncé le 20 octobre mais dont le détail vient seulement d’être communiqué aux parties prenantes, a confirmé la relaxe du journaliste bien connu des lecteurs de La Revue française de Généalogie.
À chacun des (nombreux) procès qu’il intente contre ceux qui dénoncent les falsifications d’état civil à la mairie de Rochemaure, le village ardéchois de ses ancêtres, Marc Cheynet de Beaupré a pour ligne de défense qu’il s’agit d’une affaire strictement privée et qu’il subit un harcèlement en règle de la part de ses oncles et cousins Cheynet, restés attachés à leur patronyme.
« Il est exact que Marc Cheynet de Beaupré n'est pas une personnalité publique et que l'affaire apparaissait d'abord comme un conflit familial et privé, mais c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré que l'article s'inscrivait dans le cadre d'un débat d'intérêt général, dès lors qu'il a été publié quelques jours avant [un] procès en diffamation devant le tribunal correctionnel de Dijon, que d'autres affaires correctionnelles tranchées et à venir étaient évoquées et qu'était soulevées les questions de la protection des archives et de la falsification d'actes d'état civil », a estimé la Cour d’appel à l’issue de l’audience qui s’était tenue le 15 septembre.
Elle a jugé en outre que les éléments présentés par la défense apparaissaient « suffisants pour faire état d’une falsification du nom de famille ».
L’avocat de Marc Cheynet de Beaupré a annoncé se pourvoir en cassation.
Petit rappel des faits. Sur la foi d’un arbre généalogique dont la justice convient désormais qu’il était falsifié, le procureur de la République de Privas avait décidé le 26 mars 1986, après trois refus de celui de Lyon, de la modification par mention marginale de 72 actes d'état civil de la famille Cheynet pour y ajouter la particule « de Beaupré », soi-disant égarée au milieu du XIXe siècle. Au total, ce sont 61 mentions qui ont été inscrites, concernant des actes d’état civil de personnes vivantes ou défuntes sur plusieurs générations - un cas de figure exceptionnel, et même invraisemblable quand on sait que Marc Cheynet, devenu Cheynet de Beaupré, s’est découvert de la même façon une particule oubliée dans sa branche maternelle.
Depuis, des investigations à la mairie de Rochemaure ont permis de découvrir qu’une vingtaine d’actes d’état civil du XIXe siècle avaient été contrefaits ou falsifiés – ceux qui avaient servi à appuyer la demande de rectification d’état civil dans les années 1980 – et les Archives départementales de l’Ardèche ont découvert en 2011 la disparition de 187 pages des exemplaires en double qu’elles détenaient et dont la mise en ligne aurait prouvé la forgerie opérée en mairie.
Jugé en 2015 par le tribunal correctionnel de Privas pour ces destructions, Marc Cheynet de Beaupré, qui s’était porté volontaire pour l’opération de numérisation pendant l’été 2011 en tant que bénévole de la Société des amateurs de généalogie de l’Ardèche (Saga), avait été relaxé au motif qu’il subsistait un doute « sur la date de commission des faits et donc sur la question de la prescription de l’action publique », puisque l’intéressé fréquentait les lieux depuis 1980.
Ses avocats mettent en avant aujourd’hui cette relaxe contre quiconque évoque l’affaire, notamment son oncle Pierre Cheynet et ses cousins qui ont créé une association et un site Internet pour défendre leur patronyme et leur histoire familiale, celle d’une lignée de cultivateurs de Rochemaure.
Devant les juges, Marc Cheynet de Beaupré se pose en victime de vieilles histoires de famille et dit n’aspirer qu’à vivre au présent – un comble pour un passionné d’histoire, obsédé et habité par sa généalogie qu’il a voulue glorieuse jusqu’à ce que le pot-aux-roses soit découvert.
L’affaire a déjà donné lieu à une dizaine de procès et ce n’est pas fini. Relaxé en première instance, l’historien et professeur d’université Éric Mension-Rigau attend son procès en appel pour diffamation après avoir présenté cette histoire comme un cas d’école de l’attrait persistant de la noblesse dans son livre Enquête sur la noblesse – La permanence aristocratique paru en 2019 aux éditions Place des Editeurs. Marc Cheynet de Beaupré a par ailleurs intenté une nouvelle procédure, cette fois pour « atteinte à la vie privée », contre son oncle et ses cousins.
La falsification étant désormais avérée et reconnue par la justice, la commune de Rochemaure a de son côté enclenché une procédure pour faire appliquer l’article 99 du Code civil qui permet la rectification d’actes d’état civil par décision du procureur de la République, dès lors que des actes plus anciens existent. Ce qui permettra enfin de trouver les mêmes informations dans les registres en mairie et leurs doubles mis en ligne par les Archives départementales de l’Ardèche, ces derniers ayant été restaurés grâce à des microfilms de sauvegarde.
L’association « Pour la défense du patronyme Cheynet » espère que ce sera chose faite rapidement. « L’association souhaite que la puissance publique se saisisse de l’affaire et fasse son travail », nous a déclaré Denis Cheynet, l’un de ses représentants.
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Commentaires
Cet individu a-t-il été
Bonjour
Quoi qu'il en soit il est