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Nos archives bientôt stockées sur ADN ?

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Ces deux capsules renferment la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, rédigée par Olympe de Gouges en 1791, encodées sur ADN.
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Stéphane Lemaire / Sorbonne Université

Pour la première fois au monde, des documents sont entrés dans une institution publique sous forme de brins d’ADN. Ça se passe aux Archives nationales de France, avec deux textes symboliquement forts : la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, rédigée par Olympe de Gouges en 1791.

L’encodage numérique sur ADN est une technique complexe à réaliser mais facile à comprendre. En effet, chacun sait qu’en informatique traditionnelle, tous les documents sont codés sous forme binaire, avec des 0 et des 1. Le brin d’ADN, quant à lui, utilise un code basé sur quatre « briques » identifiées par les lettres A, T, C et G. En traduisant le code binaire en quaternaire, n’importe quel document (texte, image, son, vidéo, etc.) peut devenir un brin d’ADN.

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L’encodage de données sur ADN est un processus techniquement complexe mais simple à comprendre, qui résout de nombreuses difficultés auxquelles notre monde de datas va avoir à faire face dans les années à venir.
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Stéphane Lemaire / Sorbonne Université

Quelle drôle d’idée d’utiliser de l’ADN, penseront certains, alors que nous disposons déjà de nombreux modes de stockage de données comme les disques durs, clés USB, bandes magnétiques, etc. Oui mais, tous les supports actuellement utilisés ont trois gros défauts majeurs. Le premier d’entre eux est l’absence de fiabilité sur le long terme. Au-delà de 5 à 7 ans, estiment les spécialistes, on ne peut plus faire confiance à 100 % à un disque dur. Une durée de vie tellement ridicule qu’elle amuserait sans doute nos ancêtres dont les écrits sur parchemin ont parfois dépassé le millénaire...

Deuxième gros défaut des systèmes de stockage contemporains : leur importante consommation en énergie. On commence à en prendre réellement conscience, nos données informatiques ont un épouvantable bilan carbone à cause de la puissance électrique nécessaire à faire tourner tous les serveurs du monde.

Enfin, il faut savoir que depuis 2010 la demande est supérieure à l’offre de stockage. Autrement dit, on n’arrive plus à produire suffisamment de supports pour conserver toutes les données dont on a besoin. Une image résume bien ce problème : si on gravait toutes les données du monde sur des disques Blu-ray (le support optique actuellement le plus dense), en les empilant on arriverait à une hauteur équivalente à 23 fois la distance terre-lune.

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Ces deux capsules renferment la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, rédigée par Olympe de Gouges en 1791, encodées sur ADN.
Crédits
Stéphane Lemaire / Sorbonne Université

Le stockage sur ADN répond à tous ces problèmes. Sa durée d’utilisation est supérieure à tout ce que l’on connaît actuellement puisque l’ADN est le support de la vie depuis 4 milliards d’années... Une fois encodées, les données ne demandent aucune énergie pour être conservées. Et enfin, le même volume représentant toutes les données du monde tiendrait... dans l’équivalent d’une tablette de chocolat !

C’est ainsi que le projet « La Révolution de l’ADN » a été mené dans le cadre d’un partenariat étroit entre une équipe de recherche de Sorbonne Université et les Archives nationales. Il a permis d’obtenir une preuve de concept de la technologie de stockage dite « DNA Drive » avec l’encodage des deux déclarations, chacune placée dans une minuscule capsule. Le 23 novembre dernier, nous étions quelques-uns à avoir l’honneur d’accompagner ces objets d’un nouveau genre jusqu’à l’Armoire de Fer. Ce coffre-fort indestructible installé au cœur des Grands dépôts des Archives nationales contient les plus précieux témoignages de notre histoire comme le testament de Louis XIV et celui de Napoléon Ier, le journal de Louis XVI, le Serment du jeu de paume mais aussi le mètre et le kilogramme étalons en platine. Les capsules d’ADN y dorment maintenant pour des siècles et des siècles, à l’abri de la lumière, de l’air et de l’humidité.

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Les capsules renfermant la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, rédigée par Olympe de Gouges en 1791, toutes deux encodées sur ADN ont rejoint l’Armoire de Fer, immense coffre-fort indestructible des Archives nationales contenant les plus précieux témoignages de notre histoire.
Crédits
Pierre Kitmacher / Sorbonne Université

Les chiffres-clés

  • Chaque seconde, 29 000 giga-octets (Go) d’informations sont publiées sur Internet, soit 2,5 exa-octets par jour ou 912,5 exa-octets par an.
  • L’ensemble des données numériques mondiales est aujourd’hui estimé à 45 zetta-octets (Zo) et, au vu de sa croissance vertigineuse, devrait atteindre 175 Zo en 2025 (un zetta-octet = 1 milliard de tera-octets).
  • Pour mémoire, avec une connexion rapide de type fibre optique, il faudrait 2,5 millions d’années pour télécharger 1 Zo.
  • Les datacenters consomment aujourd’hui 2 % de la production électrique mondiale et leur empreinte carbone a dépassé celle de l’aviation civile.
  • Parmi l’ensemble des données stockées dans le monde, 60 % sont des données « froides », c’est-à-dire des archives qui ne sont pour la plupart jamais relues ou très rarement.
  • Dans le monde vivant, le génome humain correspond à l’équivalent de 700 Mo de données dans chaque cellule de notre corps.

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