Rentier
« Le Rentier s'élève entre cinq à six pieds de hauteur, ses mouvements sont généralement lents, mais la Nature attentive à la conservation des espèces frêles, l'a pourvu d'omnibus à l'aide desquels la plupart des Rentiers se transportent d'un point à un autre de l'atmosphère parisienne, au-delà de laquelle ils ne vivent pas. Transplanté hors de la Banlieue, le Rentier dépérit et meurt. Ses larges pieds sont recouverts de souliers à noeuds, ses jambes sont douées de pantalons à couleurs brunes ou roussâtres ; il porte des gilets à carreaux d'un prix médiocre ; à domicile, il est terminé par des casquettes ombelliformes ; au dehors, il est couvert de chapeaux à douze francs. Il est cravaté de mousseline blanche. Presque tous ces individus sont armés de cannes et d'une tabatière d'où ils tirent une poudre noire avec laquelle ils farcissent incessamment leur nez, usage que le fisc français a très heureusement mis à profit. Sa face pâle et souvent bulbeuse est sans caractère, ce qui est un caractère. Les yeux peu actifs offrent le regard éteint des poissons quand ils ne nagent plus, étendus sur le persil de l’étalage.»
Honoré de Balzac dans le tome III des Français peints par eux-mêmes, édité en neuf volumes de 1840 à 1842 par Léon Curmer (Paris).