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Bourganeuf, 21 juillet 1944, une rafle

Marie-Françoise Greminger est née à Bourganeuf, dans la Creuse, en 1942. Du plus loin qu’elle se souvienne, elle a toujours entendu parler de la rafle survenue dans sa ville lorsqu’elle avait deux ans et qui conduisit vingt personnes juives dans les camps de concentration. Mais au fil du temps, le souvenir de ce dramatique évènement s’est évaporé. C’est pour éviter que l’oubli s’installe totalement que l’auteur a souhaité nous livrer cet ouvrage d’une centaine de pages.

Pourquoi vous êtes-vous intéressée à cet épisode historique particulier ?

Jusqu’en 1946, j’ai vécu entourée d’enfants juifs. Une famille habitait dans notre maison, d’autres étaient nos voisins. Nous étions très liés et ces liens perdurent encore aujourd’hui. Les menaces qui pesaient sur eux, leur départ à la fin de la guerre m’ont fortement marquée. Ensuite, le hasard m’a fait rencontrer les frères Cahen qui ont échappé à cette rafle tandis que six membres de leur famille ont été exterminés dont une enfant de 14 ans.

C’est alors que j’ai demandé à la municipalité de Bourganeuf d’ériger une stèle à la mémoire de toutes les victimes de la Shoah réfugiées dans cette ville. Il a donc fallu faire des recherches et tout s’est enchaîné mais je n’imaginais pas que les victimes seraient aussi nombreuses et le travail aussi long. Dans la première partie du livre vous retracez la vie des familles israélites à Bourganeuf.

Comment avez-vous travaillé pour reconstruire cette histoire ?

Aux Archives départementales de la Creuse, un carton de documents non classés provenant de Bourganeuf contenait le recensement des juifs établi par la gendarmerie. Cette liste a été mon outil de travail essentiel. Les ordres de réquisitions, les divers courriers m’ont permis de décrire la vie de cette communauté, qu’il s’agisse des victimes ou de ceux qui n’ont pas été inquiétés. Le Mémorial de la Shoah ne m’a apporté que peu d’informations. Il faut bien comprendre que cette rafle ayant eu lieu au moment où le pays se libérait, elle n’a pas laissé beaucoup de traces. Par exemple, au Service historique de la Défense, où sont conservées les archives de la gendarmerie de Bourganeuf, silence complet sur le sujet alors que des gendarmes accompagnaient les forces de répression.

J’ai saisi chaque nom des juifs recensés sur tous les sites concernés afin de vérifier les destins individuels. Pour cela j’ai consulté la base de Bad Arolsen, celle de Yad Vashem et d’autres encore. Je me suis déplacée à Vincennes pour les archives de la gendarmerie et à Caen où se trouvent les dossiers des victimes de guerre. Mais j’insiste, les traces sont rares. En revanche, à Caen, un dossier essentiel : le cahier de la Gestapo de Clermont-Ferrand où les raflés ont été transférés à la prison militaire du 92e avant leur déportation, m’a permis de constituer la liste des hommes, malheureusement ce livre d’écrou n’existe pas pour les femmes et les enfants susceptibles de les accompagner. Tous ont été déportés le 18 août 1944 par le convoi 82 dont Serge Klarsfeld dit qu’il est le plus mal connu des convois partis de France.
Cette histoire n’aurait pas pu être retracée sans la participation des familles comme pour les souvenirs d’une jeune fille de 16 ans, revenue des camps, communiqués par son fils. Et puis, alors que j’étais bouleversée de voir le nom d’un garçon de 13 ans sur le cahier de la Gestapo et qui, pour moi, avait forcément été gazé à l’arrivée, j’ai voulu savoir s’il y avait un acte de décès ou une mention marginale sur son état civil et…je me suis aperçue qu’il était encore en vie ! Une sorte de miracle, un rayon de soleil dans un travail lourd et éprouvant. Inutile de dire combien son témoignage a été précieux.

La tour Zizim, à Bourganeuf, est l’endroit où les victimes avaient été rassemblées avant leur déportation, comme l’avaient été avant eux des maquisards. À l’origine, cette tour a été construite au XVe siècle pour la captivité du fils du sultan ottoman Mehmed II, fait prisonnier par les Hospitaliers de l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem. Est-ce lourd d’avoir au coeur d’une ville un monument aussi tristement célèbre ?

Non. Je suis née juste à côté de la tour Zizim et je l’ai toujours sentie rassurante. Sa taille imposante, sa rondeur me la faisait percevoir comme une bonne grosse mère bienveillante. Aujourd’hui quand je passe près d’elle j’ai une pensée pour tous ces malheureux, mais je lui reste très attachée.

Enfin, depuis de nombreuses années une forte communauté turque s’est installée à Bourganeuf et, à son arrivée, je me suis interrogée sur cette sorte de chemin migratoire inconscient qui les a attirés ici. Une vision bien poétique pour une réalité sans doute plus dure.

Références

Une rafle – Bourganeuf, 21 juillet 1944, Marie-Françoise Greminger, Points d’Encrage, octobre 2020, 100 pages, 10 €, ISBN : 978-2-911853-33-3.

À commander directement par courriel : creuseresistanceatgmail[dot]com

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