Alsace : "la fusion des Archives crée des situations inédites"
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Les Archives du Bas-Rhin et du Haut-Rhin ont fusionné au 1er janvier. Comment cela s’est-il passé ?
Il n’y a plus de département du Haut-Rhin ou du Bas-Rhin, mais une collectivité unique qui s’appelle la Collectivité européenne d’Alsace. Les services départementaux ont fusionné, que ce soient les Archives, mais aussi, par exemple, la direction des Ressources humaines. Cela faisait déjà un petit moment que les deux départements avançaient ensemble.
Les nouvelles Archives d’Alsace sont le troisième plus gros service d’archives territoriales de France, juste après la Gironde et Paris. Nous avons 47 équivalents temps plein et plus de 70 kilomètres linéaires d’archives conservées, réparties entre les deux bâtiments. Le ratio de répartition est d’environ 60 % pour l’ancien Bas-Rhin, qui était chef-lieu de région avec plus d’administrations productrices, et 40 % pour l’ex-Haut-Rhin. Le même ratio s’observe pour la fréquentation des sites Internet.
Comment s’organise concrètement cette fusion ?
Mon slogan c’est un seul service, deux sites. Il n’y en a pas un qui est une annexe de l’autre. Il n’est évidemment pas question de tout centraliser à Strasbourg. Chacun conserve ses bâtiments de plein exercice. Pour les personnels, chacun est resté à sa place ; l’engagement des élus était qu’il n’y ait pas de mobilité forcée. Pour la direction, un nouveau poste a été créé. Le directeur des Archives du Haut-Rhin est parti à la retraite. Je dirigeais les Archives du Bas-Rhin. J’ai candidaté comme tous les directeurs intéressés. Et me voilà nommée directrice des Archives d’Alsace. Les chefs de service et moi-même faisons des journées tantôt à Colmar, tantôt à Strasbourg.
Pour la collecte, les archives vont-elles toujours au même endroit ?
Oui, même s’il y a un gros problème lié à la saturation du site à Colmar. Cette année les élus vont lancer une étude sur un nouveau bâtiment, parce que Strasbourg ne peut pas être le réceptacle de toute la collecte alsacienne. Et puis aussi, Colmar ne peut pas accueillir d’expositions. Or la direction de la Culture et du Patrimoine souhaite mettre l’accent sur l’ouverture au public. Il faut compter dix ans pour faire sortir un bâtiment d’archives de terre…
Et pour les usagers, quelles sont les conséquences ?
Début janvier, mon tout premier chantier a été d’harmoniser les réponses aux demandes de recherches des usagers. Dans nos courriers et mails, on parle désormais d’Archives d’Alsace-site de Colmar et d’Archives d’Alsace-site de Strasbourg. Nous avons mis en place un système unique. Si la personne se trompe et écrit à Colmar plutôt qu’à Strasbourg, nous pouvons quand même lui répondre, sans lui demander de reformuler sa demande auprès du bon service. Toutes les adresses mails sont maintenant en alsace.eu ; les anciennes adresses sont redirigées, ça fonctionne très bien. Pour l’usager, c’est transparent. Sinon, sur les réseaux sociaux, les pages Facebook ont fusionné.
Les sites Internet vont-ils eux aussi fusionner ?
Dans un premier temps, chacun va garder son propre portail. Nous mettrons en place une page d’accueil commune pour renvoyer les usagers vers l’un ou l’autre site. Mais à terme, il nous faudra un site Internet unique. Mais la fusion ne sera pas facile. Ce ne sont pas les mêmes outils : l’ancien Haut-Rhin a Mnesys et l’ancien Bas-Rhin utilise Ligeo. Nous allons aussi harmoniser les contenus, pour plus de cohérence avec les mêmes dates. Mais je ne souhaite pas remettre en cause ce qui a été fait auparavant.
L’ancien Haut-Rhin numérise et publie les registres paroissiaux qui en sont à la lettre O. C’est fait en interne, en commençant par la fin. Cela prend plus de temps qu’une externalisation. On pourrait aussi discuter de la dernière décennie de l’état civil qui n’est pas en ligne à Colmar et qui est encore plus demandée que les registres paroissiaux. Mais, je ne peux pas dire aux agents qui sont en train de numériser, laissez tout tomber, on va faire plutôt la dernière décennie. D’un point de vue humain et aussi logique de qualité de service, je trouve bien de terminer ce qui est commencé.
« Les nouvelles Archives d'Alsace sont le troisième plus gros service d'archives territoriales de France, juste après la Gironde et Paris. »
La fusion des deux services va-t-elle prendre du temps ?
Oui, car cela crée des situations inédites. Un exemple : imaginez que dans nos deux salles de lecture, potentiellement, on peut trouver la même cote identifiant deux documents différents. Cela n’arrive pas dans d’autres services. On va trouver des solutions, c’est un défi archivistique. Autre exemple : avant de passer commande d’un site Internet unique, il va falloir réformer notre système d’information. Pour cela, il faudra passer des marchés publics et pour y parvenir, il faudra au préalable fusionner toutes les procédures, car elles étaient différentes entre les deux anciens départements.
Oui, le travail d’harmonisation des procédures sera long : le Haut-Rhin avait l’habitude de faire la numérisation en interne, tandis que le Bas-Rhin externalisait la totalité des fonds à numériser ; il y avait deux systèmes de visualisation différents en ligne (la visionneuse Adelor du Bas-Rhin plait beaucoup aux usagers), deux systèmes de tarification pour la réutilisation commerciale, etc. L’ancien département du Haut-Rhin n’a pas la même façon de numériser, le poids des images n’est pas le même. Pour les inventaires, c’est pareil avec une politique différente : dans l’ancien Haut-Rhin, on faisait beaucoup de PDF, alors que l’ancien Bas-Rhin privilégiait la rétro conversion des instruments de recherche. Pour réinformatiser un service d’archives, il faut bien compter quatre ans. Notre objectif est de faire inscrire dans les chantiers prioritaires le site des Archives d’Alsace qui est un très gros site en France.
Quelle est la réaction des lecteurs des Archives à la fusion ?
Les usagers nous harcèlent un peu pour l’harmonisation. On les exhorte à la patience. Mais cette fusion ne change pas leur existence : si vous aviez l’habitude d’aller travailler à Colmar, vous continuez à travailler à Colmar. Ce qui va vraiment changer la donne, c’est notre futur système unique de site Internet. Mais cette fusion va fonctionner, car l’Alsace, c’est une véritable communauté historique, une communauté de destin. Au Moyen Âge, on parlait déjà de haute et basse Alsace. Il y a un vrai sens historique. Mais la fusion de services, c’est quand même de gros chantiers assez complexes.
Que pensez-vous de l’accès à des archives en ligne de moins de 100 ans comme dans l’Hérault ?
C’est une expérimentation très intéressante qui résout la quadrature du cercle dans laquelle on est enfermés. Actuellement, on ne peut pas donner accès sur Internet à des documents pourtant communicables en salle de lecture. Pour l’instant, la seule solution qu’on a trouvée était de dire aux lecteurs, déplacez-vous et venez sur place. Un discours pas facile à tenir en temps de pandémie… Nous suivons avec attention l’expérience de l’Hérault, qui va permettre à des usagers identifiés de consulter des archives de moins de 100 ans en ligne. C’est une salle de lecture vraiment virtuelle, avec les mêmes règles strictes d’identification. Elle est tout aussi surveillée qu’une salle de lecture physique. Quand nous referons notre système informatique et notre site Internet, on étudiera l’installation d’une salle de ce genre. Je pense vraiment qu’aujourd’hui ça fait partie des services à offrir aux usagers.
Corse, Deux-Sèvres-Vienne, Yvelines-Hauts-de-Seine
Le rapprochement de services d’Archives est dans l’air du temps. Les Archives d’Alsace résultent de la fusion des anciennes Archives départementales du Haut-Rhin et du Bas-Rhin. Elles ont été précédées par la Collectivité de Corse. Celle-ci regroupe les deux sites des ex-Archives de Haute-Corse et Corse-du-Sud. Elles ont depuis juillet 2020 une directrice unique, Laure Franek, basée à Bastia. Tout comme en Alsace, aucun transfert d’archives n’a eu lieu entre Ajaccio et Bastia, chaque salle de lecture est restée ouverte aux mêmes conditions. Les sites Internet respectifs de la Haute-Corse et de la Corse-du-Sud ont fusionné sous le nom unique de Archives Isula Corsica (archives.isula.corsica).
En Ile-de-France, les départements des Yvelines et des Hauts-de-Seine se considèrent comme « fiancés » depuis 2016. Mais le « mariage », c’est-à-dire la fusion, a été ralenti par l’épidémie et le décès du président des Hauts-de-Seine, Patrick Devedjian, en mars 2020 de la covid. Après des contestations politiques, la procédure semble aujourd’hui au point mort. Elle entraînerait pourtant de fait la fusion des deux services d’Archives départementales.
Enfin, il y a un autre exemple de rapprochement de deux services d’Archives, mais eux ne se sont pas pour autant « mariés » et ont préféré une sorte de PACS : les Archives des Deux-Sèvres et de la Haute-Vienne restent indépendantes, mais elles ont fusionné leurs sites Internet. Une manière d’être plus efficace et de se donner des moyens de développement plus important au nom du célèbre principe : l’union fait la force.
Coordonnées
Site de Strasbourg : 6 rue Philippe Dollinger, 67100 Strasbourg, Tél. : 03 69 06 73 06, Courriel : ArchivesAccueilbas-rhin[dot]fr – Site Internet : http://archives.bas-rhin.fr
Ouverture du lundi au vendredi de 8 h 30 à 17 h (ouverture à 10 h le 1er jeudi du mois)
Site de Colmar : Bâtiment M, Cité administrative, 3 rue Fleischauer, 68026 Colmar Cedex, Tél. : 03 89 21 97 00, Courriel : archiveshaut-rhin[dot]fr – Site Internet : www.archives.haut-rhin.fr – Ouverture du mardi au vendredi de 9 h à 12 h 30 et de 13 h 30 à 17 h
Facebook : www.facebook.com/Archivesdalsace
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