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La chasse aux sorcières : erreur judiciaire et complot misogyne

Accusations et rumeurs, sabbats, tortures et condamnations au bûcher : avec cet éventail, le livre offre une bonne présentation de la problématique de la sorcellerie et surtout de ses fondements sociaux, conduisant à formuler et étudier la grande question qu’est celle du « refus des vieillards inutiles » dans la société des XVIe et XVIIe siècles. Un livre qui propose ou confirme d’intéressantes analyses, sous la plume de Brigitte Rochelantet, bien connue des lecteurs de La Revue française de Généalogie.

Trois questions à Brigitte Rochelandet

Historienne, spécialiste en histoire des mentalités, Brigitte Rochelandet s’intéresse plus particulièrement à l’histoire des femmes (plusieurs articles sont parus à ce sujet dans La Revue française de Généalogie). Pour son dixième ouvrage, elle a choisi le prisme des procès de sorcellerie, sujet qu’elle maîtrise parfaitement bien pour en avoir fait son sujet de thèse.

Qui êtes-vous ? 

Enfant, je fréquentais une bouquinerie, où je pouvais grimper sur des échelles, pour récupérer – et emprunter – des livres de La Comtesse de Ségur ou de La Bibliothèque verte. Tout cela m’a conduit à la fac. d’Histoire : DEUG, licence, maîtrise, DEA et doctorat, avec une spécialisation en histoire des mentalités et avec pour maître à penser le regretté Lucien Febvre, jusqu’à terminer avec une thèse sur les procès de sorcellerie au XVIe siècle, en Franche-Comté.

Pourquoi ce livre ?

En fait, ce dixième ouvrage, presque tous les précédents ayant été consacrés à l’histoire des femmes, offre un retour aux procès de sorcellerie que j’avais étudiés pour ma thèse, en les replaçant dans l’actualité, avec ici bien sûr la question des violences faites aux femmes. On parle aujourd’hui beaucoup de sorcières, que les féministes prennent volontiers comme icônes, avec une certaine image de la femme, jeteuse de sorts et femme de pouvoir, faisant ce qui lui plaisait de sa vie et de son corps. C’est face à ces constats que j’ai décidé de retravailler le sujet, afin de faire la part des choses. 

Comment avez-vous travaillé ? 

J’ai repris toute la documentation que j’avais réunie pour ma thèse, soit pas moins de 800 procès francs-comtois du XVIe siècle, auxquels j’en ai ajouté 200 nouveaux, qui avaient eu lieu dans l’ancienne principauté – luthérienne – de Montbéliard. Je les ai tous étudiés ou réétudiés, en les remixant et en cherchant notamment à dégager des profils, tant des sorcières – et des sorciers – que de leurs accusateurs et de leurs juges.

Ces sorcières, généralement accusées d’avoir rendu malades ou fait mourir des animaux ou des hommes, et aussi d’avoir participé au sabbat avec le diable, étaient en fait rarement des guérisseuses ou des sages-femmes. Villageoises, elles étaient des femmes ayant dépassé les 40 ans – donc, pour l’époque, des femmes âgées et n’ayant plus de vie sexuelle, d’où toute l’importance de la dénonciation de leurs relations avec le démon. Appartenant plutôt, pour les rurales, à la petite paysannerie, alors que les accusées citadines étaient de milieux plus aisés, elles étaient toutes mères de famille, tout en étant en fait considérées comme inutiles à la communauté dans laquelle elles vivaient. Voilà pourquoi, à la lumière de mes nouvelles approches, ces procès qui les ont conduites au bûcher vont se révéler à plus d’un niveau révélateurs des mentalités de leur temps et de l’évolution de ces mentalités, avec ici mon sous-titre : Erreur judiciaire et complot misogyne. Un travail qui fut en tous les cas absolument passionnant .

Références

La chasse aux sorcières. Erreur judiciaire et complot misogyne, Brigitte Rochelandet, Cêtre, septembre 2022, 176 pages, 20 €, ISBN : 978-2-87823-305-6.

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